Alors que la crise climatique s’intensifie, les jeunes Français montrent une dualité marquante dans leurs habitudes de voyage : ils renoncent progressivement à l’avion pour limiter leur impact, tout en continuant à pratiquer régulièrement les city-breaks, souvent en avion malgré les alternatives possibles. Ce paradoxe interroge : ces pratiques sont-elles un signe de greenwashing ou bien une solution pragmatique au défi environnemental ? D’un côté, 81 % des 18-34 ans se déclarent prêts à modifier leurs déplacements en faveur du climat, notamment en réduisant leurs vols aériens. De l’autre, beaucoup maintiennent des escapades fréquentes, privilégiant coût et praticité, souvent au détriment de la conscience écologique. Dans ce contexte, le train, via la SNCF et des options comme Ouigo, émerge comme une alternative séduisante et confortable, bien que parfois plus onéreuse. À travers les témoignages de jeunes voyageurs et les études récentes, ce dossier explore comment les nouvelles générations appréhendent le voyage en 2025, entre engagement climatique, contraintes économiques et envies d’évasion.
La jeune génération face à l’avion : entre prise de conscience et habitudes tenaces
Selon le baromètre réalisé par L’Observatoire Société & Consommation (L’Obsoco) pour Greenpeace France, une très large majorité de jeunes Français reconnaît l’urgence climatique. 81 % d’entre eux sont engagés ou prêts à réduire leur impact environnemental lors de leurs voyages, indiquant ainsi un changement d’attitude notable. Pourtant, seuls 12 % considèrent vraiment l’avion comme le poste de consommation individuelle le plus polluant, un malentendu qui révèle une méconnaissance persistante de l’empreinte carbone réelle des vols.
En pratique, 53 % des jeunes interrogés ne prennent que très rarement l’avion pour leurs loisirs, mais cette décision est souvent liée à une absence d’occasions plutôt qu’à une motivation écologique profonde. Pour 31 % d’entre eux, c’est la préférence pour un mode de transport moins polluant qui guide leur choix. Cette évolution favorise notamment la voiture, dont l’usage a augmenté de 24 % en trois ans, relayée par des services collaboratifs comme Blablacar.
L’impact du coût et de la praticité sur le choix du transport aérien
Le choix de la destination demeure le critère déterminant, souvent plus que les considérations écologiques. Plus de 70 % des jeunes estiment qu’il est possible de s’évader sans prendre l’avion, et 88 % pensent pouvoir passer de bonnes vacances sans ce mode de transport, privilégiant La France ou des pays limitrophes dans plus de la moitié des cas.
Cependant, le coût du trajet demeure le facteur principal pour choisir un moyen de transport, reléguant l’empreinte carbone au dernier rang des préoccupations. Ce contexte complique l’adoption durable de solutions plus écologiques, malgré une pression sociale grandissante qui fait ressentir à plus de 38 % des jeunes une certaine culpabilité à prendre l’avion. Les plateformes telles que Voyage Privé, Lastminute.com ou Booking.com proposent parfois des offres combinées trains-avions, reflétant la recherche d’un équilibre entre économie et conscience écologique.
Des alternatives au vol : train, ferry, et voyages lents en plein essor
Face à ces enjeux, certains jeunes optent pour des modes de voyage différents. Magali, 29 ans, a parcouru la Suède jusqu’à Abisko uniquement en train, utilisant l’Eurostar, le train de nuit et des correspondances jusqu’à Stockholm. Ce long trajet, totalisant près de deux jours et demi, lui a permis d’apprécier « le voyage comme une aventure en soi », avec des rencontres, des paysages à couper le souffle et un rythme plus contemplatif.
Pour Corentin, ingénieur en VIE au Danemark, le critère environnemental a orienté ses choix professionnels et personnels. Il prépare la mise en service d’un tunnel ferroviaire immergé entre le Danemark et l’Allemagne, visant à remplacer un ferry et accélérer les trajets sans avion. Benjamin, étudiant en commerce à Londres, limite au maximum ses vols et privilégie les trains, qu’il considère comme un moyen de transport plus flexible et agréable.
Le train, nouvelle locomotive des voyages responsables
La SNCF, avec sa gamme Ouigo, facilite aujourd’hui l’accès économique aux trains grande vitesse et contribue à diminuer l’empreinte carbone des déplacements. Même si le prix peut parfois être plus élevé qu’un billet d’avion, des astuces telles que la réservation anticipée, les pass Interrail ou les trains low cost permettent de réduire les coûts.
En parallèle, les jeunes plébiscitent de plus en plus des options variées comme le ferry, la voile, ou les circuits à vélo en Europe. Ces modes de déplacement offrent une alternative pragmatique aux trajets aériens, tout en permettant une expérience de voyage plus immersive, une tendance encouragée par des médias comme Terrawatt ou HOURRAIL !.
Vers un changement durable ou un greenwashing ?
Si les jeunes montrent une volonté évidente de réduire leur impact environnemental, l’étude souligne une interprétation parfois erronée de la compensation carbone, la moitié pensant qu’elle permet de neutraliser complètement les émissions liées aux vols. Greenpeace rappelle pourtant que ces dispositifs ne sont pas suffisants pour inverser la tendance et que seule une réduction drastique de la consommation aérienne peut y parvenir.
Pour appuyer cette transition, 61 % des jeunes soutiennent une interdiction de la publicité pour les secteurs les plus polluants, dont l’aérien. Parallèlement, certains groupes aériens, notamment EasyJet, tentent de verdir leur image, tandis qu’Air France propose désormais des options de vols moins émissifs, mais ces initiatives restent souvent critiquées comme du greenwashing par les ONG.
De quoi réinterroger nos modes de voyage et encourager une mobilité plus lente, locale et consciente, pour que l’envie d’évasion des générations futures ne soit pas synonyme de compromis écologique. La question demeure : ces comportements ponctuels des jeunes représentent-ils un réel tournant ou s’inscrivent-ils dans une bulle d’illusions, où les city-breaks compensent en apparence les vols évités ?
