De plus en plus de jeunes se plaignent que leurs parents publient des photos ou des anecdotes personnelles sur Instagram et d’autres réseaux. Beaucoup d’ados disent ne pas supporter de voir leur intimité exposée, souvent sans leur accord, ce qui crée de véritables tensions familiales. Cette tendance, appelée “sharenting”, soulève de nombreuses questions sur la place de l’enfance à l’ère numérique.
Le phénomène du “sharenting” : quand les parents s’emparent d’Instagram
Le “sharenting” désigne le fait que des parents postent des photos ou vidéos de leurs enfants sur Instagram, Facebook, Snapchat ou encore TikTok. Ces contenus, souvent anodins pour les adultes, peuvent déranger ou gêner les jeunes, qui souhaitent contrôler leur image sur Internet. Par exemple, Léa, 15 ans, explique : « Il y a plein de vieilles photos de moi sur le compte Insta de ma mère, et ça me met mal à l’aise quand mes amis tombent dessus ».
Certains parents cherchent à partager leur quotidien familial ou à valoriser leurs enfants. D’autres le font dans un but professionnel, en espérant devenir influenceurs sur Instagram ou YouTube. Pourtant, cela peut entraîner une exposition durable de l’enfant, qui n’a pas toujours voix au chapitre.
Les plateformes sociales : risques et codes difficiles à maîtriser
Instagram, Snapchat, TikTok, mais aussi Discord, Messenger, Pinterest ou Twitter sont conçus pour capter l’attention. Ces plateformes proposent constamment de nouvelles fonctionnalités, souvent difficiles à suivre pour les adultes, et encore plus pour les plus jeunes. Un adulte peut croire publier une photo banale, alors qu’elle sera vue par une audience beaucoup plus large.
Olivier Duris, psychologue spécialiste, rappelle que certains contenus, une fois en ligne, deviennent incontrôlables. Des informations sensibles peuvent être partagées sans le vouloir, et des images récupérées par des personnes malveillantes. Par exemple, en publiant une photo devant l’école, on indique la localisation des enfants aux yeux de tous.
Pourquoi la limite d’âge sur Instagram et les autres réseaux existe-t-elle vraiment ?
La création d’un compte Instagram, Snapchat ou TikTok est interdite avant 13 ans. En pratique, beaucoup de jeunes contournent cette règle, aidés parfois par leurs parents. Mais la maturité numérique n’arrive pas à un âge précis : certains jeunes de 13 ans ont encore du mal à séparer le privé du public et à comprendre l’impact réel de ce qu’ils partagent ou subissent en ligne.
Par exemple, Tom, 11 ans, a créé un compte TikTok avec l’aide de ses parents. Lorsqu’une vidéo “drôle” de lui a circulé sur le WhatsApp d’une classe, il s’est senti humilié. Sa mère pensait simplement partager un souvenir, sans imaginer les conséquences sociales pour son fils.
Des dangers parfois invisibles… et durables pour les enfants
L’exposition sur Instagram ou Facebook peut sembler anodine, mais elle cache des menaces. De nombreux jeunes racontent sur Discord ou Twitter qu’ils subissent des moqueries, voire du cyberharcèlement, à cause de publications faites par leurs parents. Certaines photos, utilisées sans consentement, peuvent ressurgir plus tard et nuire à leur réputation, notamment lors d’une recherche d’emploi.
Une étude de 2018 montrait déjà que les parents publient en moyenne 1 300 photos de leur enfant avant leur 13e anniversaire. Ce contenu forme une véritable identité numérique, que l’enfant ne contrôle pas. Avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, il devient encore plus facile de détourner les images et de les réutiliser à mauvais escient.
Préserver l’intimité à l’ère du partage sur Instagram et les réseaux
Pour limiter les risques, il est essentiel de discuter avec son enfant avant toute publication sur Instagram, YouTube, Facebook, Snapchat ou Pinterest. Olivier Duris insiste sur l’importance de respecter la volonté des jeunes et de leur expliquer les enjeux de l’exposition en ligne.
La loi, depuis février 2024, permet même à un juge d’intervenir si un mineur estime que sa vie privée est menacée par les actes de ses parents sur les réseaux. Une mesure qui montre à quel point le respect de l’image des enfants devient un véritable sujet familial et de société.
Pour les familles, trouver le bon équilibre entre souvenir partagé et respect de l’intimité est donc devenu un enjeu quotidien. Si certains parents peinent à voir la gêne de leurs enfants, les jeunes n’hésitent plus à crier au scandale pour faire changer les choses.
