À l’aube de la rentrée 2025-2026, l’école française s’immerge plus que jamais dans l’ère numérique avec une série d’innovations qui promettent de bouleverser le quotidien des élèves, des enseignants et des familles. L’arrivée officielle de l’intelligence artificielle dans les salles, l’interdiction généralisée des smartphones dans les collèges, ainsi que la question brûlante de l’encadrement des réseaux sociaux mettent en lumière un paradoxe moderne : tandis que les outils numériques se multiplient — allant de Pronote à Khan Academy, de Pix à Google Classroom —, la place des parents dans le pilotage de l’éducation de leurs enfants s’en trouve chamboulée. Mais jusqu’où ces applications et plateformes peuvent-elles réellement remplacer la présence, l’attention et le rôle éducatif des parents ?
L’intelligence artificielle au cœur de l’école : un “cervaux auxiliaire” pour les professeurs
Depuis septembre, une nouvelle ère s’ouvre avec l’intégration expérimentale d’outils d’intelligence artificielle conçus pour épauler les enseignants, notamment pour la conception des cours et le diagnostic des difficultés des élèves. À l’inverse d’une crainte populaire, l’IA n’est pas destinée à substituer l’effort d’apprentissage personnel, mais à servir de levier pour mieux appréhender les obstacles propres à chaque élève. Aussi, des formations spécifiques via Pix sont mises en œuvre pour familiariser élèves, futurs professeurs et enseignants à cette technologie, avec une généralisation prévue pour début 2026.
Madame Lambert, professeure de français dans un collège parisien, témoigne : “L’outil m’aide à repérer en un clin d’œil les lacunes de certains élèves, ce qui me permet d’adapter mes explications et de personnaliser mes interventions.” Pourtant, l’incertitude plane encore quant au prestataire technologique qui fournira cette intelligence artificielle, laissant présager des débats sur les aspects éthiques et pédagogiques à venir.
Les applications scolaires : Lens numériques entre élèves et parents
Dans ce contexte, des applications comme Pronote, École Directe ou MonEcoleDirecte s’imposent dans le paysage éducatif, devenant les interfaces incontournables de la communication entre professeurs, élèves et familles. Ces plateformes facilitent le suivi des absences, la consultation des notes, et la réception des documents scolaires en temps réel, un avantage que certains parents qualifient de véritable révolution.
Pauline, maman d’un élève en seconde, partage son expérience : “Grâce à Pronote, je peux vérifier à tout moment le devoir du lendemain ou comprendre les difficultés rencontrées sans devoir attendre un rendez-vous avec le professeur.” Pourtant, ce flux d’informations boosté par les applis peut aussi créer une forme de distance émotionnelle, comme le remarque le psychologue Jean-Michel Roux, qui met en garde : “Le risque est que ces outils réduisent le dialogue direct, essentiel au soutien affectif des enfants.”
Smartphones interdits à l’école : entre efficacité et défis logistiques
En parallèle, la réglementation évolue avec une interdiction stricte des téléphones portables dans tous les collèges, mesure que le gouvernement espère étendre bientôt aux lycées. Cette disposition vise à augmenter la concentration des élèves, limiter les distractions et réduire l’omniprésence des réseaux sociaux sur les jeunes esprits durant les heures de classe.
Pour autant, la mise en œuvre soulève de nombreuses questions pratiques. Chaque établissement reste maître de ses modalités d’application, que ce soit en matière de dépôt des appareils ou de financement des casiers ou pochettes spécialement dédiés. Cette situation entraînera inévitablement des disparités, comme l’indique Élisabeth Borne dans un entretien : “Nous souhaitons que les collectivités accompagnent ces changements, mais la réalité budgétaire est multiple.”
Les réseaux sociaux bientôt réservés aux plus de 15 ans
Au-delà de l’école, une autre réforme majeure se dessine, portée au niveau européen, : l’interdiction d’accès aux réseaux sociaux pour les moins de 15 ans. Défendue comme une mesure de santé publique essentielle par la ministre de l’éducation, elle vise à protéger les jeunes d’une surexposition aux contenus parfois nocifs.
Julien, professeur d’histoire-géo en lycée, souligne : “Les réseaux sociaux peuvent créer des pressions sociales et des distractions qui nuisent à l’engagement scolaire. Les limiter, c’est aussi redonner aux familles un espace pour le dialogue authentique.”
Applis “éducatives” : entre promesses et réalités pédagogiques
Les applications mobiles à vocation éducative comme Khan Academy, ClassDojo, Edmodo, Beneylu School, ItsLearning ou encore Google Classroom connaissent une popularité grandissante, parfois au détriment d’activités traditionnelles comme la lecture ou les jeux créatifs. Pourtant, des études récentes, telles que celles relayées par la Fondation pour l’École et ToutEduc, soulignent que la plupart de ces applis ne remplissent pas efficacement les critères fondamentaux d’apprentissage social et actif.
La chercheuse Jennifer Zosh met en garde : “Les applis ne doivent pas remplacer l’interaction humaine. Les parents doivent co-expérimenter ces outils avec leurs enfants pour transformer ces moments en expériences éducatives enrichissantes.” Une posture partagée par de nombreux parents qui valorisent le rôle irremplaçable de la présence et du dialogue dans le développement de l’enfant.
L’expérience d’une famille connectée
À Lyon, les Martin utilisent Edmodo et Pronote pour suivre la scolarité de leurs deux enfants. “Ces applis nous offrent une organisation claire et rapide,” explique Marie Martin. “Mais nous restons attentifs à ne pas laisser ces outils prendre la place des échanges en famille sur la vie scolaire ou émotionnelle de nos enfants.” Cette nuance illustre le défi actuel : profiter des innovations numériques sans perdre le lien humain fondamental, ce même lien que rien ne peut véritablement automatiser.
