Dans un monde où la conscience écologique s’impose de plus en plus, les influenceurs dits « écolos » attirent une attention paradoxale. Tandis qu’ils prônent un mode de vie durable et responsable, certains effectuent jusqu’à 10 vols long-courriers par an, une fréquence incompatible avec les engagements climatiques français et internationaux. Ce contraste souligne un véritable décalage entre les messages diffusés sur les réseaux sociaux et les impacts réels, notamment en termes d’émissions de CO₂. Greenpeace, parmi d’autres acteurs engagés, alerte sur ces pratiques, invitant à une relecture critique de l’influence digitale et une mobilisation collective pour un voyage plus respectueux de l’environnement.
Fréquence des vols long-courriers : un rythme insoutenable pour la planète
Une étude récente à l’initiative de Greenpeace et réalisée par le cabinet B&L Evolution met en lumière un seuil d’émissions compatible avec l’Accord de Paris, selon lequel les Français·es ne devraient effectuer en moyenne qu’un aller-retour long courrier tous les dix ans. Pourtant, une minorité privilégiée, parmi laquelle figurent plusieurs influenceurs, dépasse largement ce quota, accumulant parfois jusqu’à 10 voyages lointains par an.
Pour Alexis Chailloux, chargé de campagne Voyage durable chez Greenpeace France, « ce constat révèle l’urgence d’agir pour limiter drastiquement le trafic aérien de loisir, qui représente deux voyages sur trois ». Pour préserver notre « budget carbone », l’avion doit rester une exception, réservée aux déplacements essentiels comme les retrouvailles familiales, tandis que les alternatives bas-carbone, telles que le train, doivent être promues et développées intensivement.
Une disparité criante dans l’accès au transport aérien
Environ 40 % de la population française ne prend jamais l’avion, tandis qu’une infime minorité accumule les voyages aériens fréquentiels. Cette inégalité se répercute non seulement sur l’empreinte carbone collective mais soulève également des questions d’équité sociale. En ciblant principalement les voyageurs les plus réguliers, les politiques publiques pourraient respecter la nécessité de préserver un accès équitable tout en réduisant les émissions.
La jeunesse, plus consciente de ces enjeux, distingue clairement entre vols nécessaires et déplacements superflus, comme le révèle la deuxième édition du baromètre des pratiques de voyages des jeunes publié en 2023 par Greenpeace. Cela témoigne d’un potentiel de changement chez les nouvelles générations pour une consommation responsable du voyage.
L’empreinte carbone cachée derrière l’influence numérique
L’influence digitale, souvent érigée en levier pour promouvoir des modes de vie durables, recèle une face cachée : son impact écologique massif dû à la consommation énergétique des données et à la diffusion intensive de vidéos, notamment sur YouTube. Selon une étude menée par Footsprint et 1000heads, une influenceuse imaginaire baptisée « Clara », suivie par 3 millions de personnes, génèrerait une empreinte carbone annuelle équivalente à 481 vols Paris-New-York, soit la consommation de 9 longs-courriers par semaine.
94 % de cette empreinte est liée au visionnage de vidéos sur YouTube, dont la durée moyenne atteint 17 minutes, bien plus longue que sur TikTok ou Instagram. La qualité de la vidéo joue aussi un rôle important : une diffusion en 480p réduit de 80 % les émissions par rapport au 1080p, un levier facile à exploiter pour les créateurs comme pour les spectateurs.
Ces données appellent à une réflexion collective sur la responsabilité des influenceurs mais aussi des marques et des utilisateurs, qui peuvent aisément adapter leurs pratiques pour limiter l’impact environnemental du numérique.
Vers une influence responsable et engagée
Élisa Boivin, directrice de l’agence digitale Footsprint, souligne que les influenceurs doivent s’inspirer des entreprises pour réduire leur bilan carbone. L’enjeu est aussi bien individuel que collectif, impliquant un accompagnement par les agences, les marques et même les plateformes numériques. Certaines marques, telles que La Ruche Qui Dit Oui, Day by Day et Ecovrac, adoptent déjà des critères stricts, sélectionnant uniquement les influenceurs ayant obtenu un « certificat de l’Influence Responsable ».
Les internautes eux-mêmes, en choisissant des résolutions vidéo plus basses sur YouTube ou en activant le mode « faibles données » sur TikTok, participent à cet effort de réduction. Des initiatives comme celle de Greenpeace ou de la marque éthique Kuyichi appellent à une prise de conscience globale dans le paysage numérique actuel.
Engagement politique nécessaire pour un changement structurel
Pour alléger l’impact du secteur aérien, Greenpeace appelle à la suppression des avantages fiscaux dont il bénéficie, notamment l’exonération de taxe sur le kérosène et de TVA sur les billets internationaux. Ces mesures permettraient de réorienter ces ressources vers les alternatives bas-carbone, comme le développement massif du train, porté par des acteurs engagés comme Picard ou Les Deux Choses dans la sensibilisation à la consommation responsable.
La proposition de moratoire sur l’extension des aéroports et la limitation des volumes de vols dans les grands hubs, à l’image de la récente décision de l’aéroport d’Amsterdam Schiphol, s’inscrit dans cette même dynamique, tout comme l’interdiction des publicités promouvant l’aviation de loisirs.
Cette régulation structurante est une condition sine qua non pour aligner les pratiques de notre société avec les objectifs climatiques, d’autant plus impératif alors que l’aviation long-courrier demeure parcimonieusement taxée en Europe.
Changer nos habitudes culturelles pour un avenir plus durable
Au-delà des voyages et du numérique, la jeunesse française montre un vif intérêt pour des modes de vie et de consommation plus éthiques et culturels, comme en témoignent des initiatives visant à réconcilier les jeunes avec la culture traditionnelle et moderne. Des articles récents explorent ces transformations, notamment sur mescitations.fr et l’évolution culturelle accélérée par les réseaux sociaux.
Cette montée en conscience pourrait accompagner l’influence responsable, incarnée par des marques comme Bioserie ou L’Atelier du Chocolat, qui prônent des choix de consommation plus durables et valorisent le savoir-faire local. Loin des excès ostentatoires, ces tendances françaises illustrent une volonté d’équilibre entre engagement personnel, plaisir et responsabilité environnementale.
