Dans les écoles françaises, un phénomène préoccupant persiste : alors que filles et garçons réussissent aussi bien en mathématiques en début de primaire, un décrochage rapide des filles s’observe dès la fin du CP. Ce recul, présent dans toutes les régions et tous les milieux sociaux, a de lourdes conséquences sur l’orientation scolaire et l’accès aux métiers scientifiques. Pourquoi la confiance en soi des filles s’effrite-t-elle si vite en maths ? Comment le sexisme ordinaire, les stéréotypes de genre et le manque de modèles féminins dans les sciences affectent-ils leurs ambitions ? Décryptage d’une équation sociale à résoudre, à l’heure où l’école se mobilise pour l’égalité.
Mathématiques : décrochage des filles dès la fin du CP, un constat alarmant
Des études récentes, menées sur plus de 800 000 élèves chaque année, révèlent un chiffre frappant : filles et garçons démarrent le CP avec le même niveau en mathématiques. Mais dès le milieu de la première année, les filles voient leur niveau moyen reculer. Par exemple, au début du CE1, il ne reste plus que 25 % de filles parmi les meilleurs élèves en maths. Quel que soit le type d’école — laïque, privée, ZEP ou non — ce décrochage des filles se retrouve partout.
La force des stéréotypes de genre et leur impact à l’école
Dès le plus jeune âge, les enfants intériorisent des stéréotypes de genre : « les garçons sont meilleurs en maths », « les filles sont faites pour les lettres ». Cette croyance influence aussi bien les parents, que les enseignants. Ainsi, l’encadrement pédagogique peut renforcer, sans le vouloir, des attentes sociales différentes selon le sexe. Par exemple, certains professeurs attendent inconsciemment davantage des garçons.
Le manque de modèles féminins dans les filières scientifiques n’arrange rien. Il devient alors difficile pour une fille de se projeter dans un métier lié aux maths ou à l’informatique.
Confiance en soi, autocensure et pression sociale dès le collège
Beaucoup de jeunes filles rencontrent un obstacle invisible : le doute. En observant les comportements en classe, on remarque que même les filles excellentes en mathématiques finissent par douter de leurs capacités, sous l’effet cumulé de la pression sociale et de certains commentaires. Il s’agit souvent d’auto-censure, d’autant plus forte lorsque la famille ou l’environnement scolaire entretient le préjugé que les garçons sont “naturellement” doués pour les sciences.
Prenons l’exemple de Claire, brillante en maths au primaire, qui perd confiance dès le collège après avoir entendu que « les maths, c’est pour les garçons ». Comme beaucoup, elle se détourne petit à petit des filières scientifiques.
Orientation scolaire, manque de soutien familial et choix limités
Lorsqu’il s’agit de choisir leur orientation scolaire, la plupart des filles se retrouvent confrontées à un double obstacle : un manque de soutien familial sur les filières scientifiques, et des conseils d’orientation teintés de sexisme. Par exemple, on propose plus souvent aux filles des options littéraires ou artistiques, renforçant l’idée que les mathématiques ne seraient pas “faites pour elles”.
Ce cercle vicieux s’accentue lorsque les filles n’ont pas de modèles féminins dans les manuels scolaires ou lors d’événements scientifiques à l’école. Sans figures inspirantes, il est difficile de se projeter et de résister à ces barrières invisibles.
Encadrement pédagogique égalitaire : vers une école qui change les règles
Pour lutter contre ce décrochage, des initiatives voient le jour. Dès la rentrée 2025, le plan « Filles et maths » vise à sensibiliser enseignants et élèves à l’égalité. Les enseignants sont formés pour repérer et dépasser leurs propres biais. On privilégie un enseignement moins formel, plus ludique, afin de restaurer la confiance en soi des élèves.
Par exemple, certains collèges organisent des journées “Filles et maths”, où des professionnelles des sciences viennent partager leur parcours. Cela encourage les adolescentes à envisager une carrière scientifique, à l’inverse des schémas classiques.
Repérer les stéréotypes et ouvrir les horizons
Pour changer la donne, il s’agit de remettre en question les rôles traditionnellement attribués à chaque genre. Une professeure n’hésite plus à citer Ada Lovelace ou Maryam Mirzakhani comme exemples de réussite féminine dans les mathématiques.
En veillant à une répartition équitable des tâches en classe et à la lutte contre le sexisme, les équipes pédagogiques peuvent inverser la tendance. Petit à petit, chaque action contribue à installer l’idée que filles comme garçons ont toute leur place dans les sciences.
